mardi 19 mai 2009

Greenspan est-il coupable ?

Un lecteur critique mon rejet de la responsabilité des banques centrales dans la crise, en raison de leur politique de taux faibles. L'accusation s'articule autours d'une idée simple : si les gens ont acheté en empruntant des maisons qu'ils ne pouvaient se payer, c'est que cela ne coûtait pas cher de le faire.

Mon point de vue est plus nuancé. Je n'exonère pas les banques centrales. Je critique l'idée d'en faire l'élément essentiel d'explication. Pour s'en tenir au seul rôle des taux d'intérêt bas, on peut par exemple observer :

1. que les taux n'ont été bas que 3 ans, de 2001 à 2004. Dès 2005, ils redeviennent élevés. Ils n'ont pu jouer un rôle que déclencheur. Et que pour la Fed. Les taux de la Banque d'Angleterre n'ont jamais été bas, ce qui n'a pas empêché le pays de connaitre une intense bulle immobilière comparable à celle des E-U.


2.Les Banques centrales n'agissent directement que sur les taux à court terme. Or les taux à long terme sont bas depuis longtemps, bien avant les subprimes. L'afflux de liquidité venues des pays asiatiques à balance excédentaire a joué un rôle déterminant dans cette situation : ces pays, la Chine en particulier, ont accumulé d'énormes réserves de change, et les ont investies sur les marchés financiers occidentaux, principalement aux États-Unis, alimentant ainsi les marchés obligataires et faisant baisser les taux. Pour le dire différemment, il y avait des liquidités disponibles en abondance, au niveau mondial, quelque soit la politique monétaire menée par les banques centrales occidentales. Comme Bernanke l'a suggéré dans une série de discours, les bas taux d'intérêt à long terme étaient ainsi dus autant à l'abondance de liquidités mondiales, qu'à la crédibilité des banques centrales ou aux faibles anticipations d'inflations.
From a narrow U.S. perspective, these low long-term rates are puzzling; from a global perspective, they may be less so.
Patrick Artus affirmait ainsi en 2007 que les banques centrales ont perdu le contrôle sur l'évolution de la masse monétaire au niveau mondial. Au milieu des années 2000, c'est la Chine qui en décidait (pour caricaturer).

3.Il faut également s'interroger sur la raison des faibles taux courts entre 2002 et 2005. Cela renvoie à la stratégie Greenspan : ne pas agir sur le marché quand il monte, puisqu'a priori le marché est rationnel -ou, en tout cas, personne ne peut prétendre détenir plus d'information que lui. Personne ne peut donc mieux juger que lui la pertinence de ses évolutions. Puis, sauver l'économie du désastre quand le marché s'effondre, par des taux très bas.
Telle a été l'essence de sa stratégie. On ne peut manquer de voir qu'elle s'inscrit dans le cadre d'un marché porté à de grands emballements spéculatifs et dans un contexte idéologique, qui rend toute intervention a priori suspecte. Pour tout responsable, cela revient à résoudre la quadrature du cercle. Greenspan l'a résolu à sa façon. Désormais, tout le monde s'interroge gravement sur les modalités futures de régulation par la banque centrale de l'irrationalité du marché. Mais c'est parce que le contexte idéologique a changé. Et que l'univers des possibles politiques s'est largement réouvert. Tel est l'effet politique des crises systémiques.

En résumé donc :

1) Les banques centrales n'étaient pas les seules responsables des bas taux d'intérêt.
2) Leurs taux d'intérêts n'ont été bas que durant trois ans
3) S'ils ont eu un rôle, il ne peut être que de déclencheur. La politique monétaire était restrictive au moment où la folie spéculative battait son plein (2005-2006). Reste donc à comprendre l'essentiel : les mécanismes, largement endogènes, de l'emportement spéculatif des acteurs. Les banques centrales leur ont, au mieux, fourni les munitions, pas l'arme ni l'envie de s'en servir.
4) Enfin, cette politique monétaire est à replacer dans le contexte idéologique d'alors, avec le marché dérèglementé d'alors. Si on veut faire son procès, il faut commencer par en rappeler les circonstances.

1 commentaire:

  1. Intéressant article, bravo

    Mais il faut rappeler que les taux de sbaqnues centrales dont on parle sont les taux courts, elles ne fixent pas les taux longs, pusiqu'elle ne prêtent pas d'argent à long terme (les banques créent l'argent par la dette générée - ce qui étonne toujours)

    RépondreSupprimer